Saviez-vous qu'il existe une Coupe du Monde de la Boulangerie?
Je le sais depuis qu'une brillante artisan boulanger minnesotane a été nommée dans l'équipe américaine qui participera a la prochaine compétition a Paris en 2008. Elle s'est distinguée en remportant l'épreuve de la baguette et du pain spécial. Autrement dit il y a, a 2 pas de chez moi, une boulangerie réputée comme l'une des meilleures de Minneapolis, qui pourrait très bientôt être l'une des meilleures au monde...
La dernière Coupe du Monde de la Boulangerie avait été remportée en 2005 par l'équipe des boulangers Américains. Je ne le savais pas non plus avant de vivre aux États-Unis. Je ne faisais pas mon pain non plus avant d'être résidente américaine. Je ne savais même pas ce qu'était un levain...
La Journée Mondiale du Pain célébrée par la blogosphère culinaire internationale grâce a l'initiative de
Zorra, a été fêtée par les Etats-Unis près de 40 fois! C'est la participation la plus importante de tous les pays participants. Il n'y avait aucune compétition entre les pays, mais il me semble que ce bel engouement pour l'évènement mérite qu'on le remarque et qu'on s'intéresse de plus près au pain américain, dont on se fait souvent une idée très réduite, voire médiocre.
Mon histoire avec le pain américain a mal commencé. Elle est classique.
Les boulangeries étant rares, difficiles a trouver, et plutôt concentrées au centre des grandes villes, nous avons commencé a acheter du pain au supermarché.
Comme il est très facile de trouver un pain de mie, c'est le premier pain que nous avons goûté. Le choix n'était pas si mauvais (il y en a de bons et de qualité), mais comment s'y retrouver parmi les 50 variétés différentes? Impossible.
Au bout de 3 jours sans croûte, nos dents n'en pouvant plus de mâcher du pain comme on mâche du chewing gum, nous sommes retournes au supermarché avec la ferme intention de ne pas en ressortir sans un "vrai" pain. Nous avons acheté un "Italian Bread", qui avait bien une forme de pain, et avec un nom pareil, il ne pouvait qu'être bon. Résultat: beaucoup de mie, toujours pas de croûte (du moins selon le standard français), et un goût... industriel.
Et puis nous avons trouvé la baguette mi-cuite, a finir de cuire a la maison au four. Évidemment, après un passage au four, la croûte était enfin une vraie croûte: elle croustillait! Pour le goût, il ne faut pas être trop exigent.
Une étape était franchie: nous avions trouvé une baguette mi-cuite pouvant même être congelée (la congélation est pratique compte-tenu de éloignement des magasins), et ressemblant au standard français.
Depuis cette époque, poussée par le manque du bon pain, j'ai appris a faire mon pain au levain, j'ai arrêté avec soulagement d'acheter du pain industriel, et surtout, en même temps, j'ai trouvé les boulangers artisanaux qui m'ont appris que l'Amérique avait, comme chaque culture, son pain. Et j'ai compris un peu mieux ce qu'il était.
Le pain américain est multiple. Comme sa culture, comme sa cuisine. C'est a la fois simple et difficile a comprendre pour un Français dérouté par le très large choix qui s'offre a lui (bien plus varié qu'en France), et qui juge le bon pain a son goût bien sur, mais tout autant a la texture de sa mie
et au son de sa croûte.
Justement, a cause de ces a priori, j'ai mis du temps a comprendre (voire a accepter) que la croûte n'était pas l'essentiel pour le pain américain. C'est pourtant simple.
Un pain typique américain n'a pas de croûte croustillante. Il est mou au toucher. Cela ne l'empêche pas d'être beau au naturel, ou bien recouvert de cheddar, comme sur ce magnifique Irish Potatoe Bread (la première photo en haut du billet), ou de flocons d'avoine, d'oignons frits, de graines...
Et la mie? C'est étrange, il n'y a même pas de mot en anglais pour la mie. On dit "the inside", l'intérieur, ou bien "the soft part", la partie moelleuse. Pourtant, elle, elle est essentielle.
La, je devine a peu près ce que vous vous dites: bon... si ni la croûte ni la mie ne sont particulièrement distinguées, qu'est-ce que le pain américain??!!
Il n'y a pas une réponse, mais de nombreuses. Par exemple, le pain américain, le vrai, le bon, celui façonné par les artisans boulangers, pourrait être un pain riche, moelleux, savoureux, au goût caractéristique provenant de l'utilisation de la molasse ou d'un bon miel local. Ou bien, ce pourrait être un pain qui tire son origine de l'Ancien Monde, mais qui n'en est pas moins Américain.
Le pain américain, c'est: la challah juive, les tortillas mexicaines, les pains scandinaves, le pretzel allemand, l'irish soda bread irlandais, la focaccia ou la ciabatta italiennes, l'english muffin, les pitas grecques, le pain plat Lavash arménien, ou celui a base de seigle scandinave ou britannique, le pumpernickel allemand, et puis la brioche ou la baguette françaises, bien sur...
C'est aussi de nombreux pains aromatiques typiquement américains, au goût prononcé et a la texture "chewy" très appréciée du public, comme le pain aux pommes de terre, le pain aux épinards, le pain au cheddar, aux olives et au romarin, le pain au chocolat (un vrai pain, pas un gâteau), le pain aux noix de pecan, le pain a la citrouille,...
Et puis il y a les
bagels, les "rolls", les
hot dog ou les burger buns, les pains moulés, dont le célèbre
American White Bread, et le honey whole wheat bread.
Il y a encore les spécialités régionales que l'on découvre en voyageant a travers toute l'Amerique, comme les pains indiens (les pains des indiens natifs américains), enrichis au lard dans le sud-ouest des États-Unis ou, au Minnesota, le pain au riz sauvage ou celui a la cardamome qui rappelle l'influence importante des scandinaves.
Et bien d'autres encore, la liste est fort longue!
Malgré les idées reçues, les Americains sont de vrais boulangers. Ce n'est pas parce qu'ils ne consomment pas forcement une croûte bien dorée et croustillante tous les jours qu'ils ne savent pas faire ni apprécier. Ils ont le savoir-faire; sont même les champions du monde de la Boulangerie devant les Français ;-) C'est dommage qu'ils soient si peu nombreux...
Avec
Marie, j'ai eu la chance de rencontrer des passionnés du pain lors d'une fête du pain organisée par le Mill City Museum (le musée de la minoterie), a Minneapolis. Voici en images, un tout petit aperçu de la variété des pains américains, quelques recettes partagées par des passionnés, et a la fin un cadeau, une surprise, que j'ai eu le privilège de rapporter a la maison ce jour-la.
La plupart des boulangeries de Minneapolis et sa jumelle Saint Paul étaient présentes au salon du pain du Mill City Museum. De très nombreux échantillons même des pains entiers étaient offerts au public. Le but était de faire découvrir. Tout était gratuit.
A coté des professionnels particulièrement accueillants, qui présentaient leur pain avec beaucoup d'humilité, des passionnés membre du "Saint Paul Bread Club" avaient organisé plusieurs démonstrations comme ici, celle du Stollen Allemand.
Nous avons aussi assisté a un atelier sur la Challah, un pain très populaire aux États-Unis. Ici, il s'agit d'une Sabbat Challah, une Challah de fête. Elle est composée de deux Challahs tressées et superposées. J'ai rapporté la recette avec moi, je la publierai très prochainement. Elle donne une challah de caractère et aux excellentes qualités de conservation.
Surprise et joie de retrouver une brioche avec laquelle j'ai participé au KKVKVK de Sandra l'hiver dernier, dont le thème était le gâteau des rois. Cette brioche décorée de sprinkles jaunes, verts et violets est le King Cake de New Orleans.
Je n'en avais jamais vu "pour de vrai". C'est formidable de voyager grâce au pain! La pâte roulée renferme une garniture. Je vous promets la recette pour la prochaine fête de l'Epiphanie: elle est
ICI (clic).
Nous sommes arrivées pour la démonstration du glaçage, puis de la décoration. La brioche avait été préparée a l'avance.
Un autre style, une autre recette partagée par une femme, boulangère amateur et membre de l'association de Saint Paul: les Burgers Buns.
La démonstration permet de voir quelle consistance la pâte doit avoir. C'est le plus important a connaître quand on fait du pain.
J'ai aussi rapporté la recette. Je l'ai testée de nombreuses fois depuis, et elle est excellente. Ci-dessous, mon produit fini. La recette est par
ici.
Et puis en vrac: les petits pains mexicains:
De magnifiques pains levés dans un banneton:
A la fin du salon, Marie et moi avons eu la chance de rencontrer une journaliste passionnée, Kim Ode. A force de discuter avec les boulangers, nous sommes arrivées trop tard pour assister a sa démonstration. Le salon fermait ses portes. Cependant, nous avons pu parler avec elle de la manière de faire du pain comme "avant", mais avec des ingrédients de meilleure qualité et des saveurs plus audacieuses qu'auparavant. Elle nous a donne un pain a chacune. Le voici:
Et un très beau cadeau, celui-ci:
J'ai rapporté ce morceau de pâte dans ma cuisine avec toutes les précautions du monde. Je l'ai protégé du froid, des rayons directs du soleil, des courants d'air. J'étais tellement fébrile que j'ai même cru a un moment l'avoir jeté par inadvertance. A force de le protéger, je ne savais plus ou je l'avais rangé!
Je l'ai nourri tout de suite en arrivant a la maison. Une demi-journée plus tard, voila ce que cela a donné:
Certains ont deviné de quoi il s'agit?
C'est un levain naturel, particulièrement épais, et peu banal. Il a été créé par le président de l'association du pain de Saint Paul. Il est nourri a la farine blanche, a la farine de seigle et au vinaigre de cidre.
Pourquoi tant d'enthousiasme alors que j'ai, depuis 2 ans, mon propre levain qui est très efficace et donne un pain excellent?
Petit rappel pour commencer: le levain naturel est obtenu a partir de la fermentation des cellules de levure contenues naturellement dans la farine. C'est le plus ancien agent levant de l'histoire du pain (il date de l'Egypte antique), et l'unique jusqu'à la découverte d'autres agents levants au 17eme siècle.
Il est vivant et ne survit que si il est nourri ou "rafraîchi" régulièrement, et s'il est conservé dans de bonnes conditions. Son goût et sa force se développent avec le temps.
En clair, le levain est une levure faite "maison", et vivante tant qu'on en prend soin. Et il donne les meilleurs pain au monde!
Ce levain-ci a... 19 ans d'âge.
Quand, a l'issue de notre rencontre, Kim m'a proposé de partager son levain, je ne sais plus ce qui m'a le plus émue: avoir la chance d'utiliser et de goûter ce levain, ou bien la générosité spontanée de sa propriétaire qui avait certainement reconnu une passionnée.
Le partage en toute simplicité, a l'image du pain, semble avoir été le maître-mot de cette Fête. Une belle réussite.
Pain au Levain aux Figues, réalisé a partir du levain du "Saint Paul Bread Club".
Sur les conseils de Kim Ode, j'ai testé le levain sur un pain aromatique contenant des éléments particulièrement lourds. J'ai choisi les figues. J'ai utilise la recette de base de mon pain au levain (
ici), a laquelle j'ai ajoute une poignée de figues sèches coupées en morceaux, quelques graines de tournesol et les zestes d'un petit citron. Un tout petit peu plus d'eau car ce levain est plus épais que le mien.
Aucun souci, cela a fonctionné. Le goût est bien différent de celui de mon levain, c'est intéressant.
Ce levain et le mien, plus jeune, n'ont pas fini de me surprendre. Si eux sont naturels, je n'ai jamais l'impression que la réussite d'un pain le soit, aussi simple soit-il de faire du pain, et je suis a chaque fois émerveillée par ma croute a la sortie du four...
Cette satisfaction indescriptible de faire son propre pain est un vrai mystère!
Connaissez-vous les pains américains?
Qu'en pensez-vous?